James dean: le fauve blessé
Quand la légende s'empare de lui à 24 ans, il vient de rencontrer la mort au volant de sa porsche, déchaînant partout un culte hystérique digne de celui voué à Rudolph Valentino. Mais celui qui aurait pu n'être qu'une étoile filante continue de briller plus de ciquante ans après et canalise toujours, avec seulement trois films remarquables à son actif (cas unique dans les anales du cinéma), les révoltes, les illusions et les espoirs de la jeunesse. De fait, il est le seul avec Brando, Clift et Newman, à avoir donné un visage et un style à cette rébellion où la rage et le désespoir s'extériorisent avec violence, exprimant sa propre fracture existentielle. Celle-ci s'enracine dans l'enfance quand, à neuf ans, il perd sa mère adorée, fille de fermiers méthodistes qui le recueillent après la fuite de son père. Il ne se remettra jamais de ce double abandon.
Vif et sensible, passioné de dessin et de lecture, l'enfant devient timide, instable et excentrique, mais sa force de caractère et sa soif d'apprendre restent intactes, et il décide à 17 ans de vouer sa vie à l'art et au théâtre. A Los Angeles, puis à New York où il passe par l'Actors Studio, il canalise ses passions, tâte de la publicité, obtient des petits rôles à la télévision et fait de la figuration au cinéma. A Broadway, sa prestation d'Arabe homosexuel dans "the immoralist", d'après André Gide, lui vaut le titre de meilleur espoir.
Sportif émérite (base-ball, basket, équitation, course à pied...), voire casse-cou (moto et course automobile), ni grand, ni vraiment beau, jean délavé et chemise flottante, cheveux blonds en bataille, yeux clairs de myope, regard fuyant derrière ses lunettes d'écaille, épaules voutées, rire candide, capable de tous les excès, éternelle cigarette au bec qu'il écrase au besoin sur sa peau pour s'éprouver, il incarne dans "la fureur de vivre", avec son blouson rouge et sa souffrance exacerbée, toute une génération incomprise cherchant à vivre chaque instant intensément. Dans "Géant", puissante épopée texane, il crée avec l'outsider Jett Rink, personnage clé mais secondaire, une figure ambiguë et attirante qui accède à la fortune grâce au pétrole, et impose son jeu fascinant, "plus animal qu'humain" selon François Truffaut. On retient la scène de "la crucifixtion" où, Liz Taylor à ses pieds, il porte son fusils sur les épaules telle une victime expiatoire.
"D'un côté, avoue-t-il, je suis comme Brando, criant: Allez vous faire foutre! De l'autre, je suis Monty Clift quand il dit: Venez à mon aide, je vous en supplie"
Sur le plan privé, à l'écart du tumulte hollywoodien, soupçonné de bisexualité, enjôleur et goujat avec ses quelques liaison connues dont Ursula Andress, mais avide de tendresse, il s'ouvre à un bonheur inespéré avec Pier Angeli, la madone italienne, qui l'apprivoise et comble sa soif d'absolu, idylle hélas brisée par la mère dominatrice de l'actrice. Et puis vint ce jour de septembre 1955...
"Vivre vite, disait-il, mourir jeune et laisser derrière soi un beau cadavre, voilà l'idéal d'une vie réussie!"